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Les accords "délivrés" de Jean Dusaussoy #2 👸🍷❄️




Rappel : Après les « Accords Imposés » que j’avais proposés à Jean Dusaussoy pendant le confinement, celui-ci a eu envie, pour cette période transitoire qu'est le déconfinement, d'un peu plus de liberté.

Aussi, il m’a proposé en retour des Accords Libérés — que j'ai « Délivrés » sur le champs — en partant cette fois-ci des vins et en laissant jouer son imagination pour des accords testés durant son confinement avignonnais*.



1. Sur un rosé de macération : buratta/fraise/thym citron



Il existe deux types de rosés. Celui de type Provence qui est un rosé de presse et celui de type Tavel, qui est un rosé de macération. Dans le rosé type Provence, l’idée est d’avoir le vin le plus transparent possible côté couleur et minéral, floral et souvent agrume côté saveur, certains diraient décharné. À l’inverse le rosé de macération aura une couleur beaucoup plus profonde et sera beaucoup plus structuré et fruité.

En France, le rosé représentait 8% de la consommation totale des vins en France au début des années 2000 contre environ 32% aujourd’hui. Cela est dû notamment au fait que les Français ont une consommation de moins en moins quotidienne et de plus en plus occasionnelle et festive, délaissant alors le rouge, pour des vins plus légers. L’attrait de la Provence a largement favorisé les rosés de presse. Les rosés de macération type Tavel étaient honnies pendant des années pour délit de gueule trop colorée. Mais la dynamique à commencer à s’inverser en France et, avec Trump + le COVID, la prochaine bulle à éclater risque bien d’être celle des rosés de Provence.

Mais, arrêtons de jouer les Cassandre, et revenons à nos accords. Avec le rosé de macération, qui est le rosé historique, on a plus de structure et de corps. Ce sont des rosés de table et pas d’apéritif et de piscine. Je cherchais donc un accord qui puisse tenir tête à ces rosés de macération qui sont des vins qui sont fruités mais qui ont du corps. D’où cette association buratta / fraise / thym citron (ou fleur de thym idéalement quand c’est la saison) que j’ai testé sur place au Domaine de l’Odylée, l’huile d’olive faisant le lien entre tous les éléments (voir article).

Le Rosé d’Automne était une erreur au départ car ce vin était qui devait être un rouge en macération carbonique, est sorti rosé ! C’est un pur grenache. Il est très aromatique mais avec du corps, tout comme le rosé du Domaine Maby, en Tavel.

Avec ces deux vins on est sur des gammes fruits rouges avec une finale légèrement poivrée comme l’est la pivoine et on a du corps capable d’encaisser le crémeux de cette buratta ainsi que la sucrosité de la fraise. Ce sont des vins faits pour des plats assez gourmands.

Ce plat, qui est pour moi une entrée, pourrait éventuellement faire office de dessert car une fois la buratta coupée sa crème se répand comme une chantilly liquide à l’huile d’olive.




2. Sur un Riesling : Asperges vertes / lard de Colonnata

Gand Cru Furstentum 2017 - Domaine Paul Blank

« Le Kottabe » 2017 - Domaine Josmeyer



J’ai choisi deux riesling que j’aime beaucoup : un grand cru du Domaine Paul Blank et un Kobatte de Josmeyer qui n’est pas un un cru mais pour moi il n’y a pas que les grands crus en Alsace. Les Josmeyer sont deux soeurs : Isabelle et Céline (vini et commerciale) qui modernisent pas mal l’appellation Alsace. Chez Blanck les vins sont plus dans la belle tradition des grands crus alsaciens. Cependant, je fais remarquer à Jean, que Philippe et Frédéric Blanck, les deux cousins à la tête de la propriété, n’ont pas peur de l’innovation. Pour preuve ce vin nature, un pinot gris de macération vinifié par Frédéric Blanck et intitulé "Burn Out". Mais revenons à notre accord…

Le riesling est un cépage qui est très sur l’acidité et le minéral qui « pétrole » avec l’âge. Il se marie donc bien avec le végétal. L’idée dans ce plat est d’associer du végétal à du gras.

J’ai donc fait des asperges rôties et, une fois cuites, j’y ai déposé une chiffonnade de lard de Colonnata qui est venue fondre sur les asperges. Ici, le riesling vient à la fois se marier au végétal de l’asperge et aiguillonner le gras du lard. Ça fonctionne très bien.


(sur cette photo prise il y a plusieurs semaines, le lard de Colonnata enrobe quelques St-Jacques, ce qui ajoute une note de noisette à l'accord).




3. Sur un Côtes du Rhône blanc : Thon / orange / badiane


J’aime beaucoup le Côtes du Rhône blanc de Vidal Fleury dont provient de la région de Viviers si mes souvenirs sont bons. On est côté Ardèche donc Côtes du Rhône méridionales mais un peu en altitude. Il s’agit d’un vin composé majoritairement de viognier, mâtiné de grenache blanc. Comme on est un peu en hauteur, on a un vin qui, même si majoritairement en viognier (qui peut parfois rendre les vins un peu lourds) conserve pas mal de fraicheur.

Le Costières de Nîmes, qui fait aussi partie de l’appellation Côtes du Rhône est issu d’un assemblage marsanne (40%), roussanne (30%), vermentino (20%) et viognier (10%). On n’est pas sur les mêmes aromatiques que le Vidal Fleury mais c’est également un vin très riche, qui malgré l’absence d’élevage en bois a quand même du corps et du gras.

Pour cette association vin et met j’ai choisi du thon qui est un poisson qui a un côté carné ainsi que l’orange et la badiane.

Le gras du vin va enrober le thon et l’aromatique des vins ne va pas être perturbée mais plutôt se marier et même se fondre avec l’orange et la badiane. Le thon doit être à peine snacké (quitte à le couper fin) pour ne pas qu’il sèche dans une poêle avec les quartiers d’oranges, l’huile d’olive et la badiane. Le jus qu’on a récupéré des oranges coupées est ajouté juste à la fin.




4. Sur un viognier : risotto de fenouil / poutargue / citron

AOP Condrieu « Caresse » - Domaine Christophe Pichon

Grignan les Adhémar blanc « Héritage » - Domaine Philippe Bonetto-Fabrol


On est un peu dans le même genre d’accord que précédemment, mais un cran au-dessus. Ici on est sur un plat beaucoup plus puissant. Un fenouil en julienne fait comme un ristto, cuit avec un beurre citronné et de la poutargue ajoutée juste à la fin.

Le viognier va apporter le côté riche, doux et gras qui va compenser l’acidité du plat, que ce soit avec le Condrieu de Christophe Pichon, emblématique de l’appellation qui est très riche ou l’ « Héritage » qui a en plus une curieuse touche légèrement anisée qui se marie parfaitement au fenouil.




5. Sur une syrah septentrionale : côte de boeuf ou taureau/ sauce à l’anchois

Cornas « Vin Noir » - Domaine du Tunnel

Saint Joseph « Les Royes » - Domaine Courbis


Ce qui est beau dans la syrah septentrionale c’est cette acidité que tu as rarement dans celle du sud. Je ne cite que quatre domaines, mais il y en a tant d’autres. Ici l’acidité de la syrah a toute son importance, avec ces notes épicées, réglissées et/ou mentholées, poivrées. Plus tu as d’acidité dans un vin rouge plus tu as de longueur. Et plus tu as de la longueur, plus tu peux aller loin dans les accords.


Ici on a un plat très puissant. L’association boeuf ou taureau / anchois est un classique de la cuisine provençale. Tu as le persillé et le juteux de la viande, puis cette sauce à l’anchois. Attention, ce n'est pas une anchoïade mais juste quelques anchois à l’huile dissous avec une gousse d’ail écrasée dans une casserole et que tu délaies à la fin de la cuisson avec la crème légère. Pour moi il n’y a que les syrahs septentrionales qui peuvent offrir un tel accord sur ce plat, grâce justement à leur acidité.





 

Jean Dusaussoy

Consultant en accords Vins & Mets

Chroniqueur à En Magnum

@jean_dusaussoy

@septiemegout


* Les photos ont été prises par Jean Dusaussoy lors de ses déjeuners avignonnais avec Jean-Marc Cortade (Bruits de Table)

**Portrait photo de Jean Dusaussoy par @BonBecBoheme


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